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Un saut dans le vide à effet boomerang

Publié dans Activmag,

 

Je lui ai dit « oui », reviens à la maison

 Vous n’avez pas réussi à transformer la chambre de votre petit dernier en un dressing tendance, bien que vous en rêviez.  Non, vous avez préféré pester contre votre armoire définitivement trop exigüe, plutôt que de changer le décor qui était, il y a certes déjà quelques années, celui de votre bambin.

« Six ans qu’il est parti » dites-vous songeuse en regardant la dernière photo de classe de l’école primaire, sur laquelle son sourire édenté, vous a toujours ému. Et la sonnerie du téléphone vous sort de votre torpeur.

« …, ta colocataire s’en va, oui, en Australie, … super, …, tu n’as pas trouvé de remplaçant(e), oui, c’est sûr, çà n’est pas facile, … tu ne sais pas où aller, …, mais bien sûr mon chéri, ta chambre t’attend. J’allais la transformer en dressing mais ce n’est pas urgent,…, à ce soir. »

Le vide va se remplir à nouveau. « Fini le sentiment d’inutilité, votre raison de vivre va réapparaître ce soir dans l’encoignure de la porte » dites-vous à vous-mêmes avec une joie que vous ne pouvez pas cacher.

Votre fils appartient à la génération boomerang.

Le « nid vide », à effet boomerang

 D’une part, les femmes vivent de plus en plus longtemps. D’autre part, depuis le milieu du siècle dernier, les familles ne sont désormais plus des familles dites « nombreuses ». En effet, le taux de fécondité des femmes est passé de 3 enfants par femme en 1945 à 2,6, en 1963 pour être à 1,9 enfant aujourd’hui.

Ces deux situations ont pour conséquence un changement d’attitude des femmes envers leur progéniture. Vis à vis de leurs enfants, les femmes du XXIème siècle ont à faire face à des situations nouvelles que leurs aïeules n’ont pas connues de manière aussi prégnante : le départ des enfants de la maison.

Pourquoi est-ce si difficile ? Ne nous jetons pas la pierre mais reconnaissons que nous « investissons » beaucoup en nos chers petits, même devenus grands.

Pour les grands-mères de nos grands-mères, voir partir leurs aînés était un soulagement, une bouche de moins à nourrir, voire des bras qui aideront au quotidien. Pour nous, les mères du XXIème siècle, nous vivons le départ de nos enfants comme un déchirement, une étape à anticiper, un renoncement et la tentation est grande, de surseoir à leur grand saut ou de profiter de toutes les occasions pour les ramener à la maison.

Haro sur les nouvelles technologies

 Les NTIC ou nouvelles technologies n’aident pas les mères à couper le cordon ombilical. Bien au contraire, ce sont des moyens pratiques et peu onéreux pour cultiver l’intrusion réciproque, entre leurs enfants et elles-mêmes.

Etre ami sur Facebook, être une relation Linkedin, bénéficier du forfait illimité même à l’étranger, développer sa dextérité pour envoyer sms et tweets en continu, poster les photos sur le web, et envoyer des mails multidestinataires, favorisent la dépendance affective, à notre insu.

Il est désormais quasi impossible de laisser à nos enfants un délai supérieur à 48h avant qu’ils ne nous donnent de leurs nouvelles, car au delà de cette période, nous succombons au harcèlement de « Mère Inquiétude »

Crise et Culpabilité

Les jeunes de la  génération Boomerang  sont les enfants de la génération Babyboom. Les babyboomers ont connu les trente glorieuses, la consommation de masse et le chômage à 0%. Les babyboomers ont acquis maison, voiture, réfrigérateur et leurs enfants ont grandi dans une économie en expansion. Les boomerang connaissent la crise, le chômage et l’augmentation du coût de la vie

C’est donc assez difficile pour les parents que nous sommes d’accepter l’idée que nos enfants ne peuvent accéder aux mêmes biens de consommation que nous et au même prix. Se dire que pour leur développement d’adulte, il serait préférable de favoriser leur autonomie et les laisser se débattre dans ce nouvel environnement hostile, c’est possible entre amis lors d’une réception, autour d’un verre. Mais, le mettre en œuvre signifierait que nous acceptions cette situation sans culpabilité (puisqu’il n’y a aucune raison juste de culpabiliser), ce qui est plutôt impossible face à la pression environnementale et sociétale.

En conclusion, ne jetons pas trop vite la pierre sur nos enfants qui reviennent à la maison mais posons-nous la question de la solution alternative que nous pourrions leur proposer.

 

©Christine Huchette 2018

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