Si le mot « coaching » est relativement récent et que de nos jours, on parle des coachs pour adolescents, l’accompagnement des parents n’est pas fondamentalement nouveau. Marguerite Verine-Lebrun n’a-t-elle pas fondé la première école des parents en 1929 ! Chaque génération apporte son lot d’interrogations, de progrès et de méthodes comportementales avec toutefois, une seule constante, le désir profond des parents de réussir l’éducation de leurs enfants.
Il suffit désormais de se retrouver dans un endroit public (jardin d’enfants, train, grands magasins) pour se rendre compte qu’aujourd’hui jouer son rôle de « parent » pourrait presque être considéré comme un métier.
Les femmes ont leurs enfants de plus en plus tard et aussitôt né, cet enfant roi prend une place considérable dans la famille. Depuis Dolto, la culpabilité de ne pas élever son enfant comme il faut, s’est insérée dans les relations des parents avec leurs enfants. Ces parents trop bien intentionnés, conscients des responsabilités qui leur incombent sont souvent dépourvus et ressentent un certain désarroi face aux comportements de leurs chérubins. Le stress de performance distillé à outrance dans nos nouveaux modes de vie, au travail comme à la maison, épuise le plaisir d’élever ses enfants et amenuise la satisfaction de faire juste bien, selon sa sensibilité.
L’éducation est associée à la patience, la répétition et la constance, alors que le monde d’aujourd’hui est lié au « zapping », au « one shot » et au « you may change your mind ».
« Dans la culture chinoise, rien n’est jamais donné en une seule fois, mais tout se révèle peu à peu, nous précise le philosophe François Jullien. Le temps génère de la fiabilité, il permet d’avoir confiance, de savoir peu à peu à qui on a affaire ». Le temps permet aux enfants de se découvrir, de se connaître, de s’aimer et aussi d’accepter les contraintes liées à l’éducation, d’enregistrer les règles de la vie et de respecter leurs parents.
Désiré, adoré, adulé, choyé, gâté, l’enfant ne supporte plus ni autorité, ni contrariétés, ni petits refus. « Il est devenu intolérant à la frustration et à l’autorité » nous dit Didier Pleux, psychologue clinicien et directeur de l’Institut français de thérapie cognitive. « Or, l’enfant a besoin de se cogner à la réalité pour grandir », poursuit-il. De la même mouvance que Françoise Dolto, Benjamin Spock, le célèbre pédiatre américain, a déclaré à la fin de sa vie, que ses principes éducatifs « permissifs » des années 1960 et 1970 étaient devenus obsolètes avec les nouvelles générations.
Les parents doivent donc reprendre leur rôle d’éducateur, se rendre compte que les plus jeunes ne sont pas leurs égaux et qu’ils ont nécessairement moins de libertés.
Y a-t-il des sésames pour l’éducation des enfants ?
De nos jours, l’explication a peut-être pris une place trop importante dans l’éducation !
« Expliquer », est une démarche intéressante pour développer la curiosité intellectuelle de l’enfant. Ceci étant, faut-il expliquer à un enfant qu’il doit mettre son manteau lorsqu’il fait froid et attendre son approbation ? Force est de dire qu’à l’observation de tous ces parents qui jouent le jeu de l’explication, il semblerait qu’une certaine lassitude ait pris la place de leur ardente motivation. Ajoutons que trop de tentatives d’explications angoissent l’enfant car les informations fournies sont source de nouveaux questionnements. Il est alors considéré trop vite comme un adulte.
Eduquer, c’est aussi « instaurer des rituels » comme se laver les mains, se laver les dents, s’asseoir correctement, saluer les personnes que l’on rencontre. L’enfant a besoin d’un cadre avec des limites. Aux questions de l’enfant, on répond sans répondre, tout n’est pas à expliquer. L’apprentissage des règles de conduite doit être inclus dans l’éducation de nos enfants, ces codes leur serviront de boussole relationnelle. Détecter des limites est rassurant pour nos petits.
« Aimer », le cœur de la relation de l’enfant et de ses parents.
L’amour a toute sa place à notre époque. Dans nos familles à taille réduite, l’amour peut s’installer plus durablement. Désormais, nos enfants sont considérés. Du fait que les femmes puissent choisir leur bon moment pour être mère, il y a un véritable désir d’enfant et une prise de conscience de la mission que représente celle d’être parents. Ces derniers aiment leurs enfants, le démontrent au quotidien et n’aspirent qu’à être aimés en retour. Et c’est peut-être à ce niveau affectif que le bât blesse. Dans l’inquiétude perpétuelle dans laquelle nous évoluons, on ne supporte plus rien, tout nous affole sans raison et nous recherchons des feedbacks positifs en permanence, même de la part de nos proches. Or, éduquer c’est aussi accepter de n’être parfois pas aimé par son enfant pendant une demi minute. C’est savoir affronter le refus de l’autre, l’exclusion très temporaire.
Et, dans notre vie au quotidien, enrichie au stress permanent, cette goutte d’eau nécessaire que représente la résistance aux caprices de l’enfant est celle qui fait déborder le vase rempli de toutes les pressions familiales et sociétales. Et c’est l’inondation des émotions et l’effondrement de toute volonté même bien ancrée.
Et si éduquer avait à voir avec manager ?
Les enfants du 21ème siècle sont époustouflants de dynamisme, d’intelligence, de curiosité et d’adaptation. Ces enfants, « native digitals » émerveillent leur entourage. Leur rapport au virtuel embarrasse. Leurs parents les trouvent meilleurs qu’eux. L’erreur serait de croire que cette expertise prévaut sur tout le reste, qu’elle justifie la prise de pouvoir de l’enfant sur les adultes.
De même qu’un manager est le chef d’orchestre de son équipe en entreprise, les parents doivent rester les capitaines de leur navire et décider des caps à tenir.
Coacher hommes et femmes dans leur rôle de parent n’est pas si éloigné que de coacher ces mêmes hommes et femmes dans leur rôle professionnel de managers. Il s’agit de redécouvrir son leadership, développer sa confiance en soi, décrypter les codes des relations interpersonnelles.
Avec l’incertitude économique, la famille reste le seul refuge. C’est pourquoi, il est important que les parents retrouvent leurs forces et leur charisme. Ce sont les bases de toute capacité à évoluer et à rester debout, dans un monde où tout aurait tendance à se déliter.
©Christine Huchette2020