À propos

A la lumière des conversations

Rien de mieux qu’en ce mois réservé à l’habitat de présenter un roman. Cocooner dans sa maison ou son appartement, est souvent synonyme de passer du bon temps, un livre à la main. Je vous propose donc de découvrir le roman « Conversations », écrit par Anna Lisbeth Marek, qui a obtenu le prix Landerneau 2014.

Publié dans Activmag, 

 

Pourquoi ai-je envie d’écrire sur ce livre ? Tout simplement parce qu’il m’a bluffé. Tout est là où, on ne l’attend pas. C’est le genre de livre qui vous accompagne, des jours, des semaines, après avoir fini de le lire.

Anna Lisbeth Marek, nous propose une histoire au service de la grande Histoire, de manière à la fois très originale et aussi très grave. Son écriture subtile nous touche malgré nous et ce qu’elle écrit ne peut nous laisser indifférent. L’accroche est historique, elle est du ressort de la communauté de cette époque. Mais ce qui est dit, traverse également les années et le contexte. De ce fait, chacun peut retrouver dans le récit des spots de vérité, qui lui sont propres.

« Conversations » nous retrace la vie quotidienne de deux familles parisiennes, vivant dans le même immeuble et très amies. Nous accompagnons ‘’Magda’’ dans ses souvenirs, d’aussi loin qu’elle se souvienne jusqu’à cet instant, celui qu’elle a choisi, pour nous livrer ses mémoires. De manière très méticuleuse, elle nous invite à partager son quotidien avant, pendant et après la seconde guerre mondiale. Au delà de l’intrigue que je ne conterai pas, c’est l’authenticité des sentiments des personnages qui émeut. Il s’agit de souvenirs mais l’intensité de certaines émotions traverse la feuille de papier pour se retrouver dans les veines du lecteur.

A travers cette histoire, qui n’est pas la nôtre, on trouve des éléments qui parlent à notre propre histoire, à notre vie. Rien n’est « téléphoné » dans ce livre. L’auteur ne nous prévient pas du sujet qu’elle va traiter : l’amour, la peur ou la douleur. Mais, semblant de rien, tout en parlant d’autre chose, elle capte nos souvenirs, nos souffrances ou nos aspirations. Qu’il s’agisse de la relation au père, à la mère, de l’amitié, du besoin de s’engager ou de notre relation au monde, tout est proposé, rien n’est imposé.

Tout en continuant la lecture du livre, le lecteur fait le point sur son propre parcours. En fait, il est pris par l’histoire, il veut en savoir plus mais il est aussi attiré par ce qui pourrait encore être écrit et qui en dirait plus sur lui. Le style peut embrouiller car nous sommes dans plusieurs espaces en même temps. Mais c’est tant mieux car ce brouillage nous empêche d’être trop dans le récit, il nous aide à être aussi avec nous-mêmes.

Anna Lisbeth Marek écrit son livre comme un metteur en scène monte ses prises. Toute l’équipe est mobilisée, du cadreur au preneur de son, en passant par l’éclairagiste. Les gros plans sur les différents protagonistes mettent en évidence notre humanité, notre fragilité, nos désirs, nos souffrances et nos limites, à nous lecteurs, êtres de chair et de sang. Nos relations aux autres, qu’elles soient parentales, amoureuses, amicales ou de voisinage, sont étudiées en toute objectivité.

Eclairées par derrière, les émotions n’en paraissent que plus réelles, plus présentes et plus intenses. De leur côté, les sentiments se perdent dans les clairs obscurs. Ils nous effleurent ou nous surprennent avec violence, l’effet miroir est saisissant de réalité.

La fin est foudroyante de vérité, de possible, sur le caractère des personnages. Elle nous ramène à notre simple condition humaine, teintée du plus beau comme du plus laid. Nous restons interdits de révolte et de compassion… sur nous-mêmes.

©Christine Huchette 2018

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