À propos

Cher Edward Hopper nous n’aurions pas pu être un de tes modèles

En vacances, on se retrouve dans un autre univers, fait de rythmes différents. Cet espace temps, sans agenda, sans urgence, nous déconcerte souvent. Mais, quand est venu le jour de la reprise, il vaut mieux être capable de se motiver pour ne pas rater sa rentrée.

Publié dans Activmag,

 

Aujourd’hui, j’ai donné rendez-vous à Nina. C’est toujours un grand moment de détente de prendre le thé avec elle. Mais, à cet instant précis, je l’attends. Je me suis installée bien confortablement dans un des fauteuils du salon huppé du centre ville et je regarde par la fenêtre les allées et venues des passants, guettant la silhouette familière de mon amie. Mes coudes retiennent mon visage et je me perds dans mes pensées.

  • A vous regarder, on pourrait penser à un tableau d’Edward Hopper, me dit le serveur en déposant le thé et les macarons sur la table. Il y a un peu d’ennui dans vos yeux et l’expression de votre visage semble touchée par la mélancolie.
  • C’est gentil, vous m’avez apporté des macarons au chocolat, ce sont mes préférés, lui dis-je, confuse.
  • Les préférés de toutes ces dames, si je peux me permettre, ajoute-t il en souriant.

 

Enfin, Nina apparaît, rieuse et décontractée, comme à son habitude.

  • Que se passe-t-il me demande-t-elle ? Tu sembles contrariée.
  • Oh, tu sais, c’est la reprise lui répondis-je. Je manque de motivation. Par contre, toi, tu débordes d’enthousiasme, as usual.
  • Je sors de mon cours de théâtre, dit-elle avec un air de gourmandise en scrutant les pâtisseries posées sur la table.

 

Et il n’en faut pas plus pour que Nina raconte. Le théâtre, c’est sa passion et elle y passe beaucoup de temps. Tout l’intéresse dans cet art, jouer un rôle, lire des textes, apprendre la mise en scène. Elle dit que le théâtre lui permet de comprendre comment fonctionnent le monde et l’humanité.

  • Aujourd’hui, débute-t-elle, en prenant sa tasse à café, j’ai vécu une expérience inédite. Expérience banale, à priori, qui de prime abord ne nécessiterait pas que je la raconte. Un metteur en scène qui se met en scène, n’est pas forcément un événement unique, une source d’étonnement, c’est plutôt normal. Cela peut-être anxiogène car il s’agit peut-être de la reprise de l’une de nos scènes, qu’il juge de mauvaise qualité. Mais voilà, quand Paul s’est installé sur une chaise, quelques feuillets dans les mains, nous avons compris que cette démarche avait une valeur différente de ses autres interventions. Il s’est adressé à nous en nous disant qu’il allait jouer devant nous un extrait de son nouveau spectacle. Il nous a rassuré en nous disant que cela ne serait pas long. Ceci étant, il souhaitait qu’on l’écoute et qu’on lui donne ensuite notre point de vue.
  • Il vous a demandé un feedback, en quelque sorte ? lui dis-je avec un ton un peu sarcastique, ne voyant pas très bien ce qu’il y avait de si extraordinaire dans ce qu’elle me racontait
  • Oui, s’il parlait le langage de l’entreprise, il aurait effectivement utilisé le mot « feedback » me reprit Nina, contrariée que je la coupe dans son élan. Donc, reprit-elle, Paul s’est installé prés du comptoir de bistrot, installé sur la scène, unique élément de notre décor. Il s’est mis à jouer ce qu’il avait préparé, avant de venir à notre répétition. Quand il a commencé, je n’étais pas très à l’aise car tout en écoutant, je me demandais quel retour, je pourrais bien lui faire. Est ce que j’allais être capable de dire quelque chose d’intelligent, quelque chose qui serait à la hauteur de son art ? Et très vite, j’ai été prise par son jeu d’acteur, un jeu sincère sans fioritures, oubliant mes peurs et mes doutes. Ce n’était plus le metteur en scène mais le comédien qui avec, toute sa vulnérabilité, nous faisait le cadeau de nous présenter sa création. J’ai compris toute l’importance qu’il nous accordait, lui, le maître, à nous, les comédiens en devenir. Et, cela va te sembler peut-être exagéré, mais en toute sincérité, à ce moment là, je me suis sentie importante, reconnue, estimée et je me suis sentie poussée par une envie d’aller encore plus loin dans le théâtre, de me donner encore plus à fond, de dépasser mes limites.
  • Hé, quel enthousiasme ! m’exclamai-je avec conviction.
  • En fait, c’est ce que j’appelle « être capable de motiver ses troupes » et nos chers managers feraient bien d’en prendre de la graine, me dit Nina, avec un ton solennel. Un manager qui saurait te renvoyer de manière aussi forte qu’il croit en toi, en ta valeur et en tes compétences, serait un vrai leader, un vrai manager charismatique.
  • Oh, tu as raison, et mille fois, raison ajoutai-je. J’ai lu un livre passionnant sur le sujet pendant les vacances. Dans ce livre, l’auteur fait la différence entre agir pour des motifs ou agir par motivation. Il déplore que dans les entreprises, on ne fasse usage que de motifs pour soi disant « motiver » les collaborateurs, motifs qui ne sont pas forcément partagés par les salariés et qui de ce fait ne leur donnent pas envie de s’impliquer plus qu’il ne faut dans leur travail, au quotidien. L’auteur explique aussi le processus de motivation. Notre motivation, dit-il, parfois inconsciente, « c’est ce qui fera qu’au fond de nous, on agira ».
  • Alors, ajoute Nina, ma passion pour le théâtre est issue de ma motivation pour accomplir mon rêve de devenir une grande actrice. C’est d’ailleurs pour cela que je me donne à fond pour cet art, ne comptant ni mon temps, ni mes efforts pour progresser et être ainsi, la meilleure possible sur scène. Et toi, Marianne, pourquoi te passionnes-tu ?
  • Moi, c’est la course à pieds, tu devrais le savoir, lui répondis-je, contrariée. Comme pour le théâtre, cela demande de la ténacité, des efforts et de la confiance en soi. Et pour cela, je vais chercher toutes mes ressources physiques et je développe mon mental. Pour courir le marathon d’Annecy, il faut le désirer suffisamment fort pour en accepter la préparation. Je crois que ma motivation est de l’ordre d’être capable de réussir des exploits.
  • Bon, il faut que je parte, s’affole Nina. Appelle le serveur, il te fait de l’œil.
  • Et bien, je vois que vos discussions vous ont redonné bonne mine, chère madame, dit-il, tout en nous rendant la monnaie. Vous voici gaie, heureuse et prête pour reprendre du service. Pour le coup, fini l’idée d’être un modèle pour Hopper, et c’est tant mieux, car la mélancolie, çà peut être contagieux et je ne souhaite pas l’attraper au contact de mes fidèles clientes. A très bientôt.
  • Au revoir, ma chérie
  • Au revoir, mon ange.

 

Et un seul mot d’ordre : laisser agir notre motivation pour aller jusqu’au bout de nos rêves !

©Christine Huchette 2018

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